Caso N.F

Corte Europea dei Diritti dell’Uomo 
CASO:  N.F. contro ITALIA 
sentenza del 02 agosto 2001 
ricorso n. 37119/97

 

Violazione dell'articolo  11 (libertà di riunione ed associazione) della Convenzione europea dei Diritti dell’Uomo, in ipotesi di  un magistrato sanzionato disciplinarmente per essere stato iscritto alla massoneria. Non violazione dell'articolo  8 (diritto al rispetto della vita privata e familiare) della Convenzione europea dei Diritti dell’Uomo, Lo Stato Italiano deve versare al ricorrente 20 milioni di lire italiane per il danno morale sofferto,  oltre le spese legali.

 

(traduzione non ufficiale a cura dell’avv. Maurizio de Stefano  del comunicato stampa della cancelleria)

N.F., cittadino italiano nato nel 1942 e residente a Monza (Milano), è un magistrato.

Nel 1991, egli divenne membro della loggia massonica Adriano Lemmi di  Milano, che è  associata al Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani. Nell’ottobre 1992, dopo aver letto sulla stampa nazionale che dei Procuratori della Repubblica avevano avviato delle indagini sulle attività di certe logge affiliate al Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani, egli domandò di abbandonare la massoneria. Nel giugno 1994, una procedura disciplinare fu  intrapresa a suo carico a motivo dei suoi legami con la massoneria. Egli si vide infliggere la sanzione dell’avvertimento per aver arrecato pregiudizio al prestigio dell’ordinamento giudiziario, basata su di una direttiva del 1990 combinata con un decreto del 1946. Egli ha adito la Corte di cassazione che rigettò il suo gravame il 10 dicembre 1996.

La Corte europea dei Diritti dell’Uomo stima che i termini della direttiva del 1990 non erano sufficientemente chiari  per permettere, anche ad una persona attenta ed adusa al diritto come il ricorrente, di rendersi conto che l’affiliazione ad una loggia massonica ufficiale potesse condurre a sanzionare un magistrato. La sanzione non era dunque né « prevedibile » né « prevista dalla legge » ai sensi dell’articolo 11 della Convenzione. La Corte dichiara , per 4 voti contro 3, che nella specie vi è stata violazione dell’articolo 11 (libertà di riunione e d’associazione).

Inoltre, la Corte dichiara all’unanimità che non vi è stata violazione dell’articolo 8 (diritto al rispetto della vita privata) quanto alla divulgazione sulla stampa dell’appartenenza del ricorrente alla  massoneria e che non vi è luogo di esaminare se vi è stata violazione dell’articolo 8, quanto alla sanzione disciplinare, oppure degli articoli 9 (libertà di pensiero, di coscienza e di religione), 10 (libertà d’espressione) e 11 (libertà di riunione e d’associazione) letti isolatamente o combinati con l’articolo 14 (divieto di discriminazione).

La Corte liquida al ricorrente, per 4 voti contro 3, 20 000 000 lire (ITL) per pregiudizio e 27 312 012 ITL per spese legali.

Cour européenne des Droits de l’Homme

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE N.F. c. ITALIE

(Requête n° 37119/97)

STRASBOURG

2 août 2001

En l’affaire N.F. c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

          M.          C.L. Rozakis, président,
          M.          A.B. Baka,
          M.     B. Conforti,
          M.     G. Bonello,
          M.     P. Lorenzen,
          M.     M. Fischbach,
          Mme   M. Tsatsa-Nikolovska, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 25 novembre 1999 et 10 juillet 2001,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 37119/97) dirigée contre l’Italie et dont un ressortissant de cet Etat, M. N.F. (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 31 juillet 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me  Anton Giulio Lana, avocat au barreau de Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito. Le président de la chambre a accédé à la demande de non‑divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 3 du règlement).

3.  Le requérant alléguait en particulier qu’une sanction disciplinaire prise à son encontre méconnaissait les articles 8, 9, 10 et 11 de la Convention, pris isolément ou combinés avec l’article 14.

4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11).

5.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 24 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

6.  Par une décision du 25 novembre 1999, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable, après une audience dédiée à la fois aux questions de recevabilité et à celles de fond (article 54 § 4 du règlement).

7.  Après l’audience, le requérant a déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire, mais non le Gouvernement (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

8.  Le requérant, né en 1942, est un magistrat qui demanda, après l’été 1990, son affiliation à la maçonnerie du Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani. Le 5 mars 1991, il devint membre de la loge « Adriano Lemmi »  de Milan.

Durant l’été 1992, le requérant lut dans la presse nationale que certains parquets – notamment celui de Palmi (Reggio de Calabre) – avaient ouvert des enquêtes qui, selon certains bruits, auraient aussi concerné des loges associées au Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani.

En octobre 1992, le requérant demanda à s’éloigner de la maçonnerie et, le 5 novembre 1992, il fut mis « en sommeil ».

9.  Le parquet de Palmi ayant transmis la liste des magistrats inscrits à la maçonnerie au Conseil Supérieur de la Magistrature, celui-ci la communiqua aux personnes chargées de l’ouverture des procédures disciplinaires contre les magistrats, à savoir le ministre de la Justice et le procureur général près la Cour de cassation. En cette circonstance, la liste fut rendue publique - au moins en partie - par la presse.

10.  A la suite de l’ouverture d’une enquête, en juillet 1993, le requérant fut entendu par un enquêteur de l’Inspection générale du ministère de la Justice. Par la suite, en février 1994, il fut entendu par le procureur général près la Cour de cassation.

11.  En juin 1994, le requérant fut cité à comparaître devant la Section disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il était accusé d’avoir porté préjudice au prestige de l’ordre judiciaire, car il avait gravement manqué à ses devoirs. Il ne se serait donc pas rendu digne de la confiance qu’il faut avoir en un magistrat.

Dans sa plaidoirie, le conseil du requérant rappela une décision de la même Section, prise une dizaine d’années plus tôt, qui marquait la différence entre une association secrète – à laquelle il était interdit aux magistrats de s’affilier – et une association à caractère discret. Le conseil du requérant nota également que la directive du Conseil Supérieur de la Magistrature, établissant l’incompatibilité entre la fonction de magistrat et l’inscription à la maçonnerie, avait été adoptée durant l’été 1993, c’est‑à‑dire un an après que le requérant eût quitté la maçonnerie de son plein gré.

A l’issue de la procédure, la Section disciplinaire estima que le requérant avait violé l’article 18 du décret législatif royal du 31 mai 1946 n° 511 et prononça la sanction de l’avertissement.

12.  Le requérant s’étant pourvu devant la Cour de cassation, celle-ci examina l’affaire en chambres réunies le 13 juin 1996 et, par un arrêt du 10 décembre 1996, rejeta le pourvoi.

13.  Le 17 mai 2000, la IVème commission du Conseil Supérieur de la Magistrature exprima à nouveau un avis négatif quant à l’avancement - pour lequel les conditions requises étaient réunies depuis le 17 octobre 1997 - du requérant et cela en raison de la sanction disciplinaire qu’il avait subie. En effet, une décision semblable avait déjà été prise par le Conseil Supérieur de la Magistrature à une date non précisée.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

14.  Les dispositions particulières de la Constitution citées par le Gouvernement sont les suivantes :

« Article 54

Tous les citoyens ont le devoir d’être fidèles à la République et de respecter la Constitution et les lois.

Les citoyens titulaires de charges publiques ont le devoir de s’en acquitter avec discipline et honneur, en prêtant serment dans les cas établis par la loi.

Article 98

Les fonctionnaires sont au service exclusif de la nation.

S’ils sont membres du Parlement, ils ne peuvent obtenir de promotions que par ancienneté.

Des limitations au droit de s’inscrire aux partis politiques peuvent être établies par la loi pour les magistrats, les militaires de carrière en service actif, les fonctionnaires et agents de police, les représentants diplomatiques et consulaires à l’étranger.

Article 111

Toutes les décisions juridictionnelles doivent être motivées.

Le recours en cassation pour violation de la loi est toujours admis contre les jugements et les décisions sur la liberté personnelle, prononcés par les organes juridictionnels ordinaires ou spéciaux. On ne peut déroger à cette norme que pour les jugements des tribunaux militaires en temps de guerre.

Contre les décisions du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, le recours en cassation n’est admis que pour les seuls motifs inhérents à la compétence juridictionnelle. »

15.              Aux termes de l’article 18 du décret législatif royal n° 511 du 31 mai 1946 (« le décret de 1946 »), le magistrat qui « manque à ses devoirs ou a, au bureau ou en dehors, un comportement qui ne mérite pas la confiance et la considération dont il doit jouir » est soumis à une sanction disciplinaire.

16.  Appelée à se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 18 du décret de 1946 par rapport à l’article 25 § 2 de la Constitution, la Cour constitutionnelle a statué qu’en matière de procédure disciplinaire contre les magistrats, le principe de légalité trouve application comme exigence fondamentale de l’état de droit et constitue une conséquence nécessaire du rôle attribué à la magistrature par la Constitution (arrêt n° 100 du 8 juin 1981, § 4).

Toutefois, en ce qui concerne le fait que l’article 18 n’énumère pas les comportements qui peuvent être considérés comme illicites, la Cour constitutionnelle a remarqué qu’il n’est pas possible d’indiquer tous les comportements qui peuvent porter préjudice aux valeurs - la confiance et la considération dont un magistrat doit jouir ainsi que le prestige de l’ordre judiciaire - garanties par ladite disposition. En effet, selon elle, ces valeurs constituent des principes déontologiques qui ne peuvent pas être inclus dans des « schémas préparés à l’avance, car il n’est pas possible d’identifier et classer tous les comportements contraires qui pourraient causer une réaction négative de la société » (ibidem, § 5). La Cour a par la suite rappelé que, dans les lois antérieures régissant la même matière, il y avait une disposition ayant un contenu général à côté des dispositions sanctionnant des comportements spécifiques, que les projets de réforme dans ce domaine maintenaient toujours des formules ayant un contenu général et, enfin, qu’il en allait de même pour d’autres catégories professionnelles. La Cour constitutionnelle a conclu que « les dispositions en la matière ne peuvent pas ne pas avoir un contenu général parce qu’une indication ponctuelle aurait pour conséquence de donner de la légitimité à des comportements non prévus qui étaient cependant critiqués par la conscience sociale. Elle a ajouté que ces considérations justifiaient la latitude de la norme et la large marge d’appréciation accordée à un organe qui, agissant avec les garanties propres d’une procédure judiciaire, était en raison de sa structuration particulièrement qualifié pour apprécier si le comportement considéré dans chaque cas portait ou non préjudice aux valeurs protégées (ibidem, § 5).

La Cour constitutionnelle a enfin indiqué que pareille interprétation était conforme à sa jurisprudence en matière de légalité (ibidem, § 6).

17.  La loi n° 17 du 25 janvier 1982 portant sur des dispositions d’application de l’article 18 (droit d’association) de la Constitution en matière d’associations secrètes et de dissolution de l’association nommée P2, a prévu que la participation à une association secrète constitue une infraction pénale (article 2). En ce qui concerne les fonctionnaires, l’article 4 prévoit qu’une procédure disciplinaire doit être également ouverte à leur encontre devant une commission spéciale composée selon des règles bien précises. Toutefois, au sujet des magistrats des juridictions judiciaire, administrative et militaire, la compétence reste aux organes disciplinaires respectifs.

18.  Le 22 mars 1990, lors d’une discussion concernant l’incompatibilité entre l’exercice de fonctions judiciaires et l’inscription de magistrats à la franc-maçonnerie à la suite d’un message du chef de l’Etat - qui le préside - au Conseil Supérieur de la Magistrature, celui-ci a adopté une directive. Le procès-verbal (discussion et texte de la directive) de la réunion y relative a été publié dans « Verbali consiliari » (pp. 89-129) et communiqué aux présidents de la République, du Sénat et de la chambre des députés.

Selon cette directive, « la participation de magistrats à des associations ayant un lien hiérarchique et solidaire particulièrement fort par le biais de l’établissement, par des voies solennelles, des liens comme ceux qui sont demandés par les loges maçonniques, pose des problèmes délicats de respect des valeurs de la Constitution italienne ».

continua...