Caso Labita

Corte Europea dei Diritti dell’Uomo
CASO: LABITA contro ITALIA
sentenza del 6 aprile 2000
ricorso n.26772/95

 

DIVIETO DI PENE O TRATTAMENTI INUMANI:
DURATA DELLA CARCERAZIONE PREVENTIVA
DETENZIONE IRREGOLARE
RISERVATEZZA DELLA CORRISPONDENZA DEI DETENUTI
LIBERTA' DI CIRCOLAZIONE
DIRITTO A LIBERE ELEZIONI

(violazione degli articoli 3, 5-§3, 5-§1, 8 della Convenzione Europea dei Diritti dell’Uomo e dell'articolo 2 del Protocollo n.4 e dell'articolo del Protocollo n.1 ). Lo Stato Italiano deve versare al ricorrente 75.000.000 di lire italiane per il danno morale sofferto e lire 6.000.000 di lire italiane per spese legali.

(comunicato stampa)

Con la sentenza pronunciata a Strasburgo il 6 aprile 2000 nel caso Labita contro Italia, la Corte europea dei Diritti dell’Uomo ha dichiarato:

  • che non vi è stata violazione dell’articolo 3 (divieto di pene o trattamenti inumani o degradanti) della Convenzione europea dei Diritti dell’Uomo per quanto concerne le allegazioni di cattivi trattamenti nella prigione di Pianosa formulati dal ricorrente ;
  • che vi è stata violazione dell’articolo 3 della Convenzione per il fatto della mancanza d’una inchiesta ufficiale effettiva a proposito delle predette allegazioni;
  • che non vi è stata violazione dell’articolo 3 per ciò che concerne le condizioni dei trasferimenti dalla prigione di Pianosa;
  • che il ricorrente può considerarsi " vittima " ai sensi dell'articolo 34 della Convenzione per ciò che concerne la durata della detenzione provvisoria;
  • che vi è stata violazione dell’articolo 5 (diritto alla libertà ed alla sicurezza) § 3 in tema della durata della detenzione provvisoria;
  • che vi è stata violazione dell’articolo 5 § 1 in tema della detenzione del ricorrente a decorrere dalle ore 0, 25 e fino al mattino del 13 novembre 1994 ;
  • che vi è stata violazione dell’articolo 8 (diritto al rispetto della vita privata) in tema del controllo della corrispondenza del ricorrente ;
  • che non è necessario esaminare la questione del controllo della corrispondenza del ricorrente con i suoi avvocati sotto il profilo dell’articolo 6 § 3 (diritto ad un equo processo);
  • che vi è stata violazione dell’articolo 2 del Protocollo n° 4 (libertà di circolazione) in tema di misure di prevenzione imposte al ricorrente ;
  • che vi è stata violazione dell’articolo 3 del Protocollo n° 1 (diritto a libere elezioni) in tema della cancellazione del ricorrente dalle liste elettorali.
  • In applicazione dell’articolo 41 (equa soddisfazione) della Convenzione, la Corte accorda al ricorrente 75.000.000 di lire italiane (ITL) per danno morale e 6.000.000 ITL per le spese di partecipazione all'udienza davanti alla Corte.

1. PRINCIPALI FATTI

Le requérant, Benedetto Labita, ressortissant italien, est né en 1955 et réside à Alcamo (Italie).

M. Labita fut arrêté le 21 avril 1992 car il était soupçonné d'appartenir à la mafia, sur la base d’allégations non corroborées d’un mafieux repenti. Il fut maintenu en détention provisoire pendant environ deux ans et sept mois notamment à la prison de Pianosa, où il allègue avoir subi des mauvais traitements, lesquels, selon lui, étaient systématiquement infligés aux détenus. Ce que confirme le rapport d’un juge. Une enquête pénale fut ouverte puis abandonnée, les auteurs des mauvais traitements ne pouvant être identifiés. Le requérant était soumis à un régime spécial entraînant le contrôle de toute sa correspondance. Il fut par la suite acquitté par un jugement rendu tard dans la soirée del 12 novembre 1994, mais ne fut libéré que le lendemain, l’employé de la prison compétent étant absent. Après son acquittement, il fut soumis à des mesures de prévention (couvre-feu entre 20 h et 6 h, convocation hebdomadaire au commissariat) et fut radié des listes électorales.

3. Résumé de l’arrêt

Griefs

Le requérant se plaint des traitements inhumains et dégradants qu’il allègue avoir subis pendant sa détention au titre de l’article 3 de la Convention européenne des DROITS de l’Homme, de la légalité et la durée de sa détention au titre de l’article 5 §§ 1 et 3, du contrôle de sa correspondance privée et avec son avocat et au titre des articles 8 et 6 § 3, des mesures de prévention auxquelles il a été soumis après son acquittement au titre de l’article 2 du Protocole n° 4 et de la perte du droit de vote en conséquence des mesures de prévention au titre de l’article 3 du Protocole n° 1.

Décision de la Cour

Article 3 de la Convention

a) S’agissant des allégations de mauvais traitements

La Cour note que les éléments de preuve fournis par le requérant ne sont pas concluants et par ailleurs le requérant n’a pas fourni d’explications détaillées sur les sévices que les gardiens de la prison de Pianosa lui auraient infligés. Tout en reconnaissant qu’il peut être difficile pour un individu d’obtenir des preuves quant aux mauvais traitements infligés par les gardiens de la maison d’arrêt où il est détenu, la Cour observe que le requérant, qui n’a pas non plus suggéré, par exemple, qu’on lui ait jamais refusé l’autorisation de voir un médecin, a omis pendant plus d’une année, sans justification plausible, de dénoncer les traitements incriminés bien qu’il se soit adressé à plusieurs reprises aux autorités judiciaires par le biais de ses avocats peu après que les mauvais traitements en question avaient diminué, voire cessé. Par conséquent, malgré les éléments objectifs faisant état des conditions générales de vie à la prison de Pianosa à l’époque considérée, la Cour considère que les éléments dont elle dispose quant à l’assertion du requérant selon laquelle il aurait été soumis à des mauvais traitements physiques et psychologiques à la prison de Pianosa ne fournissent pas d’indices de nature à étayer une telle conclusion. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 3 à ce titre.

b) S’agissant des enquêtes menées au sujet des allégations de mauvais traitements

La Cour observe que, mises ensemble, les déclarations faites par le requérant aux autorités engendraient des soupçons plausibles que l’intéressé avait subi des traitements discutables à la prison de Pianosa, d’autant plus que les conditions de détention à Pianosa avaient été au centre de l’attention des médias dans la période en question et que d’autres détenus s’étaient plaints de traitements similaires à ceux évoqués par le requérant. Les enquêtes furent cependant très longues et pas suffisamment efficaces, s’il est vrai que quatorze mois furent nécessaires à l’obtention non des photographies des gardiens ayant travaillé à Pianosa, mais des photocopies de ces photos. Pendant cette période, le requérant demeura détenu à Pianosa. En outre, bien que ce dernier eût déclaré une deuxième fois être en mesure de reconnaître les responsables s’il pouvait les voir en personne, aucune démarche ne fut faite en ce sens, et, seulement neuf jours plus tard, le parquet demanda et obtint un classement sans suite faute d’identification des responsables et non pas pour défaut de fondement. Dans ces conditions, eu égard à l’absence d’une enquête approfondie et effective au sujet de l’allégation défendable du requérant selon laquelle il avait été maltraité par des gardiens pendant sa détention à Pianosa, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

c) S’agissant des transfèrements de Pianosa

Le requérant n’ayant pas fourni d’indications détaillées quant au nombre, aux dates et aux conditions exactes des ses transfèrements de Pianosa, et n’ayant pas non plus dénoncé les conditions desdits transfèrements devant les autorités compétentes, la Cour considère que les faits ne sont pas suffisamment établis pour qu’elle conclue à la violation de l’article 3 à cet égard.

Article 5 § 3 de la Convention

a) S’agissant de la qualité de victime du requérant

Le requérant a obtenu par les juridictions internes une somme à titre de réparation pour la détention provisoire subie ; cependant, le droit à cette réparation était une conséquence automatique de l’acquittement survenu. S’il est vrai que la durée de la détention provisoire subie par le requérant a été prise en compte pour le calcul du montant de la réparation, il n’y a, dans l’arrêt accordant la réparation, aucune reconnaissance, explicite ou implicite, de son caractère excessif. Le requérant peut dès lors toujours se prétendre " victime ", au sens de l’article 34 de la Convention, d’une violation de l’article 5 § 3.

b) S’agissant de la durée de la détention

Le requérant est resté en détention provisoire pendant environ deux ans et sept mois. Les autorités compétentes ont examiné la question du maintien en détention du requérant à trois reprises et, pour refuser de le libérer, ont invoqué l’existence de graves indices de culpabilité à son encontre et le risque de pressions sur les témoins et d’altération des preuves ; elles se sont également appuyées sur la présomption établie par l’article 275 § 3 Code de Procédure Pénale. En l’espèce, les allégations formulées contre le requérant provenaient d’une seule source, un " repenti " ayant affirmé avoir appris d’une source indirecte que le requérant appartenait à la mafia.

Or, la Cour est consciente que la collaboration des " repentis " représente un instrument très important dans la lutte que les autorités italiennes mènent contre la mafia. L’utilisation de leurs déclarations pose cependant un certain nombre de problèmes délicats car, de par leur nature, pareilles déclarations sont susceptibles d’être le résultat de manipulations, de poursuivre uniquement le but d’obtenir les bénéfices que la loi italienne accorde aux " repentis " ou encore de viser des vengeances personnelles.

Pour ces raisons, comme les juridictions internes le reconnaissent, les déclarations des " repentis " doivent être corroborées par d’autres éléments ; en outre, les témoignages indirects doivent être confirmés par des éléments objectifs, et ceci, de l’avis de la Cour, est d’autant plus vrai quand il s’agit de proroger la détention provisoire. En l’espèce, comme les décisions d’acquittement à l’égard du requérant le confirment, aucun élément ne vint corroborer les déclarations indirectes du "repenti " et, au contraire, la personne qui en était la source principale était décédée avant le procès et la personne source d’information, aussi indirecte, de cette personne avait également été assassinée avant de pouvoir être interrogée ; de plus, les déclarations du " repenti " avaient déjà été contredites au cours de l’enquête par d’autres " repentis ", qui avaient indiqué ne pas reconnaître le requérant.

De plus, les risques de pressions sur les témoins et d’altération des preuves, la dangerosité des prévenus, la complexité de l’affaire et les nécessités de l’instruction étaient, au moins au début, plausibles, mais également tout à fait générales ; ces motifs du maintien en détention se référaient à la globalité des détenus et se bornaient à mentionner abstraitement la nature du crime en cause, sans révéler aucune considération susceptible d’étayer le fondement des risques évoqués et n’en établissaient pas la réalité par rapport au requérant, et sans tenir compte de ce que les accusations dirigées contre le requérant reposaient sur des éléments qui, au fil du temps, s’affaiblissaient au lieu de se renforcer. Les motifs invoqués dans les décisions querellées n’étaient pas suffisants pour justifier le maintien en détention du requérant pendant deux ans et sept mois. La détention litigieuse a donc enfreint l’article 5 § 3 de la Convention.

Article 5 § 1 de la Convention

Le requérant a été maintenu en détention pendant douze heures après son acquittement. Le retard dans la libération du requérant n’a été provoqué que partiellement par la nécessité d’accomplir les formalités administratives liées à la remise en liberté. En effet, la prorogation de la détention de l’intéressé entre 0 h 25 et le matin du 13 novembre 1993 fut provoquée par l’absence de l’employé du bureau de matricule, ce qui ne constituait pas un début d’exécution de l’ordre de libération, et ne relevait donc ni de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 5, ni d’aucun autre de ses alinéas. Dès lors, il y a eu violation de l’article 5 § 1 à cet égard.

Article 8 de la Convention

La correspondance du requérant avec sa famille et son avocat a été contrôlée par les autorités de l’établissement pénitentiaire de Pianosa. Ce contrôle était fondé, pendant une première période, sur l’article 18 de la loi n° 354 de 1975, qui, comme la Cour l’a déjà dit dans ses arrêts précédents et comme le Gouvernement le reconnaît, n’indique pas assez clairement l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes dans le domaine considéré. Le contrôle était fondé par la suite sur l’arrêté du ministre de la Justice pris en application de l’article 41 bis de la loi n° 354 de 1975, alors que la Cour constitutionnelle italienne a dit que le ministre de la Justice n’était pas compétent pour prendre des mesures concernant la correspondance des détenus et avait donc dépassé ses compétences au sens du droit italien. Pendant une période ultérieure, le contrôle de la correspondance du requérant n’avait aucune base légale. En conclusion, les différentes mesures de contrôle de la correspondance du requérant dénoncées par celui-ci n’étaient pas " prévues par la loi " au sens de l’article 8 de la Convention. Il y a donc eu violation de cet article.

Article 6 § 3 de la Convention

La Cour considère, à la lumière de sa conclusion ci-dessus au titre de l’article 8 de la Convention, que ce grief est absorbé par le précédent.

Article 2 du Protocole n° 4 à la Convention

Le requérant a subi, pendant trois ans, des restrictions très lourdes à sa liberté de circulation. Ces mesures étaient " prévues par la loi " au sens du troisième paragraphe de l’article 2 et poursuivaient à l’évidence les buts légitimes du " maintien de l’ordre public " ainsi que de la " prévention des infractions pénales ". Quant à leur nécessité " dans une société démocratique ", la Cour trouve légitime que des mesures de prévention, et notamment la surveillance spéciale, soient appliquées à l’encontre d’individus soupçonnés d’appartenir à la mafia même avant leur condamnation, car elles visent à empêcher l’accomplissement d’actes criminels et considère que l’acquittement éventuellement survenu ne les prive pas forcément de toute raison d’être, si des éléments concrets recueillis au cours du procès, bien qu’insuffisants pour parvenir à une condamnation, justifient des craintes raisonnables que l’individu concerné puisse à l’avenir commettre des infractions pénales. Or, en l’occurrence, la surveillance spéciale exercée à l’encontre de M. Labita fut décidée au début du procès, quand il existait, effectivement, des indices de son appartenance à la mafia, mais ne fut appliquée qu’après son acquittement. La Cour a examiné la teneur des décisions d’acquittement à l’encontre du requérant et relève qu’aucun élément concret indiquant l’affiliation du requérant à la mafia - et donc un risque qu’il puisse commettre à l’avenir des infractions pénales - n’a pu être trouvé au cours des enquêtes préliminaires et du procès. Les restrictions à la liberté de circulation de M. Labita ne pouvaient pas être considérées comme " nécessaires dans une société démocratique " et l’article 2 du Protocole n° 4 a été violé.

Article 3 du Protocole n° 1 à la Convention

La radiation de M. Labita des listes électorales pour déchéance des droits civils a été une conséquence automatique de l’application de la surveillance spéciale de la police, donc des soupçons d’appartenance à la mafia pesant sur lui. La Cour ne saurait douter que la suspension temporaire du droit de vote d’une personne sur qui pèsent des indices d’appartenance à la mafia poursuit un but légitime. Elle observe cependant qu’en l’espèce, bien que décidée au cours du procès, la mesure de surveillance spéciale de la police à l’encontre du requérant ne fut appliquée qu’à la fin du procès, une fois l’intéressé acquitté "pour ne pas avoir commis les faits ", alors que les graves indices de sa culpabilité avaient été démentis au cours du procès. Au moment de sa radiation des listes électorales, donc, il n’existait aucun élément concret permettant de " soupçonner " le requérant d’appartenir à la mafia et cette radiation ne peut être considérée comme proportionnée. Il y a donc eu violation de l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention.

Article 41 de la Convention

La Cour, tout en tenant compte du fait que le requérant a déjà obtenu une réparation pour tout dommage qu’aurait causé la détention provisoire subie, considère que, eu égard à la gravité et au nombre des violations constatées en l’espèce, une indemnité pour tort moral doit être accordée à M. Labita. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour décide d’allouer 75 000 000 ITL. Le requérant n’ayant indiqué aucun montant et n’ayant présenté aucune note de frais et honoraires, la Cour ne lui accorde que 6 000 000 ITL au titre des frais encourus pour sa participation à l’audience devant la Cour.

Les juges M. Pastor Ridruejo, M. Bonello, M. Makarczyk, Mme Tulkens, Mme Stránická, M. Butkevych, M. Casadevall et M. Zupancic ont exprimé une opinion commune partiellement dissidente dont le texte se trouve joint à l’arret.